Un coin de paradis by John Gearon

Un coin de paradis by John Gearon

Auteur:John Gearon [Gearon, John]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature américaine, Policier
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1961-01-14T23:00:00+00:00


CHAPITRE VI

L’ambassadeur et l’ambassadrice n’étaient pas en grande forme ; la journée avait été rude : crises diverses, Bloody Marys, Gibsons, golf, scotch nature, plus des ennuis à cause d’une charmante vieille dame de South Bend surprise par les douaniers en train de passer des grenades en contrebande dans son sac à tricoter. Ils se reposaient en buvant du cognac. Ils nous accueillirent avec une cordialité pleine d’appréhension. Après tout, Iris faisait partie de la « famille », c’était « quelqu’un » que « tout le monde » connaissait. La femme de l’ambassadeur n’avait accès au saint des saints de Long Island que depuis peu et la richesse et la situation d’Iris l’impressionnaient. Partie d’un faubourg sans renom, elle était devenue mannequin, avait épousé en premières noces un Texan propriétaire de puits de pétrole, avait obtenu une solide pension alimentaire après son divorce, avait travaillé infatigablement dans les œuvres de charité les plus à la mode et dans le « bon » parti politique et avait fini par épouser à Saint-James, pour le meilleur et pour le pire, un célèbre joueur de polo en qui elle avait éveillé l’ambition politique et le sentiment de ce qu’il devait à « sa classe ». Ce cheminement, qui s’était fait sans trop d’efforts, se soldait cependant par quelques désillusions. La machine était grippée. Une ambition contrariée, des indigènes trop remuants et, bien entendu, le goût de la bouteille révélaient sa nature profonde. Elle observait l’ambassadeur avec un sentiment voisin de la haine, tandis qu’il essayait de calmer Iris.

*

— Iris, ma chère, fit-il en jetant un coup d’œil sur l’aigle farouche et rassurant qui trônait au-dessus de la cheminée, on a tendance à tout exagérer, dans ces climats exotiques. Cette histoire de Graham Ambler, vous savez. (Il se tourna vers sa femme.) Kitty, dis à ce sacré valet de nous laisser la bouteille et rends-lui sa liberté !

Kitty s’exécuta dans un espagnol approximatif. Comme nous refusions un verre, elle s’en versa un et, telle une Lucrèce Borgia un peu pompette, servit généreusement son mari.

— Arthur a eu une rude journée et moi aussi. Nous étions tous les deux prêts à nous rendre au gala du Casino lorsque nous avons appris qu’il était annulé. Quelle barbe ! Ce n’était pas une obligation pour Arthur, voyez-vous.

— Allons, Kitty, nous devons tous consentir des sacrifices. Cette affaire est vraiment sérieuse.

— Quelle affaire ? demandai-je.

— La campagne électorale. Je ne peux pas me permettre de souffler une minute.

— Arthur est tellement consciencieux, dit Kitty d’un ton méprisant. Il fait tellement d’efforts. Dommage qu’on n’attrape pas de prix d’excellence pour tout le mal qu’on se donne dans ce sacré pays. Mais je trouve que c’est trop injuste… c’est vraiment trop injuste.

— Qu’est-ce qui est injuste ?

— Cette affaire. Tout le mal que ce pauvre homme s’est donné pour faire élire le président… tout le temps et tout l’argent qu’il y a consacré, lui qui n’avait jamais fait de politique : il est vrai que son grand-père a été ambassadeur dans les Balkans. Ce que je veux dire saute aux yeux. Iris, ma chère, vous vous en rendez bien compte. Il méritait bien mieux que cet horrible poste.



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